Essence: prêt à payer combien pour avoir sa dose?
Par Priscilla Franken
À la recherche du fautif perdu...
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Quels sont les mécanismes qui expliquent la hausse du prix de l’essence? Les consommateurs sont-ils trop dépendants du pétrole? Quelles alternatives s’offrent à nous? Des spécialistes livrent leur point de vue.
CAA-Québec n’est pas le seul à montrer du doigt les pratiques commerciales des détaillants.
Pour Pierre-Olivier Pineau, professeur agrégé spécialisé dans le secteur de l'électricité et de l'énergie à HEC Montréal, l’augmentation des marges de profits des distributeurs d'essence est inévitablement en cause: «Depuis la fin de 2010, le prix du pétrole brut est passé de 90 $/baril à environ 110 $. Une partie de la hausse à la pompe s'explique ainsi, mais cela n'explique pas toute la hausse, puisqu'il n'existe pas de pénurie d'essence ni de problème particulier dans le secteur du raffinage».
Mais Sonia Marcotte ne l’entend pas de cette oreille. Pour la Pdg de l'Association des Indépendants du pétrole (AQUIP), se contenter de faire porter le chapeau aux détaillants est trop simpliste. Elle explique que le prix de l’essence est influencé par différents facteurs: le prix du pétrole brut, la marge de raffinage, la marge du détaillant et les taxes sur les carburants. Parmi eux, le principal responsable de la hausse observée depuis le début de l’année est, selon elle, le prix du brut, qui a fait un bond en raison des évènements qui se sont déroulés au Moyen-Orient.
Une théorie que soutient Frédéric Quintal, auteur, conférencier et consultant spécialisé dans l'éthanol : «Ce qui s'est passé en Afrique du Nord a réveillé la faune spéculative, dont l'objectif est de trouver des arguments pour générer de la valeur virtuelle. Vous faites courir la rumeur selon laquelle les tensions apparues en Tunisie risquent d'engendrer une raréfaction du brut, et vous faites grimper les prix.»
Il rappelle par ailleurs que le coût moyen de fonctionnement d'une station-service est de 3 à 4 cents le litre. «Et cette marge ne couvre que les frais d'opération, donc 5 ou 6 cents par litre, c'est selon moi raisonnable si l'on veut réaliser un bénéfice.»
«Les consommateurs s'arrêtent souvent aux augmentations, rarement aux baisses. Or il faut comprendre que si un détaillant décide d'une hausse, c'est parce que sa marge est trop faible. Il doit maintenir une moyenne, d’où cet effet yoyo», insiste Sonia Marcotte. En d’autres termes, c’est pour récupérer les bénéfices perdus les jours précédents que les détaillants imposent des augmentations soudaines de prix.